Accusé de livrer des informations à Sonko et radié de la gendarmerie, Yancoba Djiba explique

Yancoba Oussène Djiba Mary a fait 14 ans au service de la nation. Il a été radié des rangs de la gendarmerie. Une décision qu’il juge injuste. Le militaire est accusé d’être, avec son collègue Malick Diémé, un informateur d’Ousmane Sonko. Le récit !

Incorporé le 1er septembre 2015 et admis dans la Gendarmerie nationale le 10 février 2018, Yancoba Oussène Djiba Mary, de matricule 15672/S, a servi à l’escadron de surveillance et d’intervention 12/2 de Ziguinchor. Née en 1994 à Kalibine, Yancoba n’est plus sous les couleurs, depuis le 29 janvier 2024. Suivant l’arrêté Nº 326 / MFA/APMMI/EFF du ministère des forces armées, le soldat a été radié des contrôles de la Gendarmerie nationale pour les motifs de : « faute contre l’honneur, la probité ou les devoirs généraux du militaire et manquements aux règles d’exécution du service ». Il est versé dans les réserves comme soldat.

Ses supérieurs l’accusent d’avoir donné des infos lors de la caravane de la liberté de Sonko et l’ont envoyé en prison.

Le militaire s’est confié à Seneweb pour revenir sur les contours de sa radiation « illégale » Selon Yancoba O. D. Mary, à l’époque, ses supérieurs hiérarchiques l’accusent d’avoir fourni des informations à Ousmane Sonko, durant sa caravane de la liberté de Ziguinchor à Dakar. Une histoire qui a poussé sa hiérarchie  à l’envoyer en « taule » pour 45 jours d’arrêt de rigueur dans les locaux de la caserne de Néma ( Ziguinchor). Le billet d’écrou avait pour motif : « faute contre l’honneur, la probité ou les devoirs généraux du militaire ».
 
Tiré des funérailles de sa soeur avant l’enterrement et accusé de complicité de vol d’un Pistolet de type PA de son boss

Selon la genèse des faits, relatée par Yancoba Mary, tout est parti d’une affaire de vol de  l’arme de service d’un de ses supérieurs. Il explique : « Le 30 mai 2023, vers 6 heures, on devait se rendre en mission à Bignona. En cours de route, à l’entrée de Tobor, mon téléphone n’arrêtait pas de sonner. Mais, je n’ai pas décroché les appels parce que je suis tireur. J’étais sur la 12-7. Mon chef de mission, qui est un élève gradé, m’a ordonné de répondre afin de savoir s’il n’y a pas urgence. Et il avait raison. C’était mon père qui m’annonçait le décès de ma grande sœur. J’ai rendu compte à mon chef  et il m’a demandé si je pourrais continuer la mission je lui ai répondu que oui. Arrivé à Ziguinchor, il m’a dit avoir déjà rendu compte au chef de l’escadron pour qu’il remonte l’information aux autorités. Il disait avoir aussi rendu compte au chef de l’escadron pour qu’il remonte l’information aux autorités. Toutefois, à notre retour vers 11 heures, au camp de la gendarmerie de Néma, le chef escadron est venu me demander si j’avais « un décès » j’ai répondu par l’affirmative. Il m’a fait savoir qu’il a  rendu compte au lieutenant M.B.N, adjoint du commandant d’unité O.B.A.N. Par la suite, le lieutenant a appelé pour m’accorder une permission d’aller assister à l’enterrement comme. C’était à Ziguinchor. C’est ainsi que je suis parti. Vers 15 heures, alors qu’on était dans les derniers réglages pour conduire la dépouille au cimetière, il m’a rappelé pour me demander de revenir au camp. Je lui ai dit qu’on était sur le point d’enterrer ma sœur, je lui ai demandé de me permettre de l’accompagner dans sa dernière demeure, il a refusé sous prétexte que je devais venir tout de suite. Une urgence disait-il. Comme je suis dans un service commandé, j’ai dit à mon père qu’on m’a appelé pour une urgence à la caserne. Il m’a dit de partir. Le lieutenant m’a encore contacté pour me dire venir sans mettre ma tenue. Il m’a demandé de la garder dans le sac comme il y avait des manifestations ».
 
Son chef : « Mon fils jouait avec mon pistolet et un gendarme l’a pris… »
 
Yancoba d’ajouter : « Arrivée au camp, il m’a demandé si je connaissais un marabout qui fait des services de voyance pour désigner un voleur. Je lui ai dit non. Il s’est demandé comment je pouvais habiter Ziguinchor sans connaître des marabouts’´ . Je lui ai répondu « ce sont mes parents qui sont mes marabouts’´ . Il m’a dit que je ne te parle pas en ce sens. Il m’a demandé de porter ma tenue et de le rejoindre au secrétariat. En quittant le bureau, j’ai remarqué que les autres escadrons étaient en train de rassembler leurs éléments. Une fois dans notre chambre, j’ai expliqué ma discussion avec le lieutenant à mes camarades de promo. Lesquels m’ont conseillé de ne pas les mettre en rapport avec des marabouts. Tout à coup le lieutenant est venu me trouver dans la chambre et m’a encore conduit au secrétariat. Cette fois-ci, j’ai trouvé le commandant d’unité, le capitaine O.B.A.N. Il m’a dit Mary : ´´le lieutenant t’a expliqué les faits’´. Je lui ai dit ´´oui je luiai déjà répondu’´. Il m’a dit alors je t’explique. Mon arme de marque PA50C, à chaque fois que je le laisse dans mon bureau, j’enlève le chargeur. Et j’amène le pistolet à la maison. Parce que mon fils a l’habitude de jouer avec l’arme comme il le voit dans les films. C’est pourquoi j’enlève le chargeur pour éviter un incident avec mon enfant. »
 
« Malgré le manque de preuves, ils ont  décidé de garder mon téléphone jusqu’au lendemain. Ils ont décidé de m’envoyer  en taule, je leur ai dit que ma femme est en état de grossesse avancé, je n’irai pas »
 
« Le capitaine m’a dit au moment où son fils jouait avec l’arme dans la cour, un gendarme l’a pris le PA et pendant ce temps, j’étais en communication avec le voleur. Je lui ai dit que ce n’était pas possible. Je n’ai communiqué avec aucun gendarme. A part, les gens qui m’appellent pour me présenter leurs condoléances, je n’ai pas reçu d’autres appels venant de mes collègues gendarmes. Même mes camarades de promo ne m’ont pas contacté. Donc j’ai nié les faits. Il a décidé de fouiller mon téléphone. Je leur ai remis l’appareil. Il a vérifié tous mes appels. Il a soutenu que j’étais en communication avec son voleur entre 15 heures et 16 heures. Et, les éléments de la brigade de recherches ont mené des enquêtes. Ils ont localisé le téléphone du présumé voleur de la caserne. Maintenant, il voulait savoir si on était en train de mettre en place un plan. Le commandant a gardé mon téléphone jusqu’à 18 heures. Il est venu dire au lieutenant qu’il n’a pas retrouvé le numéro du gendarme dans mon journal d’appels. Mais comme j’avais verrouillé mon whatsapp avec un code schéma et empreinte, il m’a demandé de le déverrouiller. J’ai refusé de dessiner mon schéma. Ils m’ont dit que:  « Alors  c’est vrai que, tu es en contact avec le gendarme qui a pris l’arme » . Il m’a menacé de me traduire en discipline. Après des échanges tendus, j’ai enlevé le code. Ils n’ont trouvé aucune preuve. Malgré cela, ils ont  décidé de garder mon téléphone jusqu’au lendemain. Il m’ont dit qu’ils allaient m’envoyer en taule. Je leur ai dit que ma femme est en état de grossesse avancé. Je ne vais pas laisser mon téléphone avec eux. Et je n’irai pas en taule non plus. »

« A l’armée c’est l’exécution avant la réclamation… Je n’exécute pas un ordre illégal »
 
« Ils m’ont menacé de m’écrouer de force, en appelant les gardes.  Je les ai défiés en sortant du bureau. Mes anciens sont intervenus et m’ont conseillé d’aller en taule. J’avais accepté d’aller en prison mais à condition qu’ils me disent la faute que j’ai commise. Ils m’ont rétorqué « tu es dans l’armée. C’est l’exécution avant la réclamation ». Je leur ai dit que je ne suis pas ce genre de militaire. Je n’exécute pas un ordre illégal. Les anciens m’ont convaincu. Je suis allé en taule. Le 5e jour, ils ont amené le billet d’écrou. Ils ont mentionné « faute contre l’honneur, la probité ou les devoirs généraux des militaires ». J’étais choqué. Je me posais plusieurs questions dont celle de savoir la faute que j’aurais commis qui déshonore la tenue. Alors que j’ai honoré ma nation. L’affaire m’avait tellement affecté au point que je n’arrivais pas à manger. On était 6 personnes en prison. J’ai passé là-bas la fête de la tabaski. J’ai fait 45 jours en taule».
 
« Le message envoyé à Ousmane Sonko… »

« Le dernier jour, ils ont amené des papiers. Ils nous ont demandé d’écrire des déclarations. Et, on relate tous les faits qu’on nous reproche. Je leur ai répondu que je ne connaissais pas ce que l’on me reproche. C’est ainsi qu’ils m’ont conduit à la brigade de recherches. Les gendarmes m’ont demandé ce qui m’a envoyé en taule. Je leur ai dit encore dit que je l’ignorais. Les enquêteurs m’ont dit que les supérieurs hiérarchiques sont au courant de ma liaison avec Ousmane Sonko car lorsqu’il avait commencé sa caravane, c’est  moi qui lui ai envoyé un sms sur son numéro quand il s’est arrêté à Koumpentoum. Ils ont dit que je lui avais donné une information via Whatsapp avec un numéro Free. Je leur ai dit que l’histoire est incohérente. Parce que je faisais partie des éléments qui surveillaient le cortège. J’étais le tireur du 12-7. Quand je leur ai demandé de me montrer le numéro, ils m’ont présenté mon numéro Free que je n’utilise pas sur whatsapp. Ensuite, j’ai demandé la capture de la discussion, ils m’ont dit que les autorités leur ont donné le fameux message. Et, le contenu c’était : « Pros, il y’a un élément des renseignements qui vous a infiltré. Il est en train de faire du thé. Il porte un bracelet Pastef ». J’ai insisté sur la capture d’écran, ils ont pris ma photo de profil sur Facebook, ils  l’ont monté avec le message. Quand ils m’ont présenté la feuille, disant que c’est un message capturé sur le téléphone d’Ousmane Sonko, je leur ai dit que ce n’est pas possible. J’ai dit aux enquêteurs de sortir mon numéro sur le téléphone de Sonko. Ils ont dit que le téléphone est déjà envoyé à Dakar. »
 
« J’étais le tireur de l’engin blindé, campé face à la maison de Sonko… »

« Le 7 décembre 2023, j’ai été informé du conseil d’enquête le lendemain (8 décembre). J’avais refusé d’y aller. J’ai dit au capitaine qu’il fallait m’informer à temps. Le capitaine a rendu compte au major. Ils ont reporté le conseil au 20 décembre. Le 18 décembre, ils m’ont demandé de passer au secrétariat pour récupérer mon billet de déplacement. J’ai demandé au secrétaire de l’envoyer sur whatsapp. Parce que j’étais déjà en route pour Dakar. Arrivée sur place, le conseil d’enquête m’a présenté le même rapport que détient la brigade de recherches de Ziguinchor. Je leur ai demandé de vérifier  si réellement c’est une capture. Ils ont essayé. Ils ont vu que ce n’est pas la même chose. Je leur ai dit que ce jour-là, j’étais sur le terrain avec le 5e bataillon. Ils ont dit que j’ai été localisé au camp. Je leur ai dit que c’était faux. J’étais le tireur sur l’engin blindé face à la maison de Sonko. Je leur ai dit que ce que mon commandant d’unité m’a dit est contraire à ce qu’ils disent. Au début, il parlait de complicité de vol de PA. Maintenant, il fait le lien avec Ousmane Sonko. Les membres du conseil ont dit qu’on leur a simplement donné le rapport. Ils m’ont demandé si j’avais commis un officier supérieur pour ma défense. Je leur ai dit que je ne connaissais pas de gendarmes à Dakar. C’est ainsi qu’ils ont décidé de me radier »

« L’appel de Guy Marius Sagna, tu n’a pas le droit d’être en contact avec l’opposition »

Dans son histoire, Yancoba Mary, dit avoir eu le soutien du député Guy Marius Sagna qui l’avait appelé pour lui témoigner son soutien. Seulement, ce coup de fil lui a valu un autre billet d’écrou. « Le colonel M.M m’a encore envoyé en taule pour 30 jours sans motif. Le général P.D en a rajouté 35 jours. Parce que tout simplement, Guy Marius Sagna m’a appelé pour me dire que mon oncle Pierre Simon Diedhiou lui a parlé de ma situation. Il m’a demandé de lui expliquer ce qui s’est passé. Après, il m’a demandé d’être méfiant et que les choses allaient changer. Il m’a témoigné son soutien. Mes supérieurs me disent que je n’ai pas le droit d’être en contact avec un membre de l’opposition. C’est pour ça que j’ai été envoyé à nouveau en taule. Nous sommes dans quel pays? », s’interroge-t-il.

Il conclut : « Le 1er mars 2024, alors que j’étais en taule, le commandant B.S  nous  a informés de la décision de radiation. Mais, pour la procédure, je devais rester en taule, en attendant la notification de la radiation. J’ai pris mes bagages. Je suis rentré chez moi. La nuit, le commandant est venu me voir pour me consoler. Le 5 mars 2024, la notification de la radiation a été actée. Le colonel M.M a refusé de me restituer mes téléphones portables. Après la Korité, le commandant Ndiouck a appelé des hauts gradés pour qu’il me donne mes téléphones »

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