Depuis le 18 novembre dernier, l’ancien Premier Ministre de Guinée Bissau, M. Aristides Gomes est entré dans la clandestinité dans son pays. Ce jour-là, en plein congrès de son parti-PAIGC (Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert), des hommes armés encagoulés font irruption dans la salle du congrès pour tenter d’enlever M. Gomes. L’opposition acharnée des militants à cette arrestation a permis au Dr Aristides Gomes de disparaître dans la nature. Depuis lors, il vit caché en Guinée Bissau.
Répliquant à cette tentative avortée de « kidnapping », M. Gomes a porté plainte pour tentative d’enlèvement. Une bataille judiciaire qui s’annonce épique. C’est la deuxième plainte que dépose l’ancien Premier Ministre contre la Guinée Bissau. En effet, il avait porté plainte en 2020 quand le pouvoir avait tenté de l’appréhender « sur aucune base légale », suite à son limogeage et quadrillage de son domicile par les forces de l’ordre guinéens, alors que celui-ci était sous garde des forces de la CEDEAO. Déjà, il savoure une petite victoire car plusieurs personnalités de la société civile et des organisations de défense des droits de l’homme ont pris faits et causes pour lui. Il s’agit entre autres d’Alioune Tine ou encore, de la Ligue Bissau-guinéenne de défense des Droits de l’homme.
Joint au téléphone par Seneweb, son conseiller Politique et Communication se dit « très inquiet pour la sécurité physique et morale » de celui qui a été trois fois Premier Ministre de son pays. Selon François Mendy, le Président Umaru Sissoco Embalo « est dans une logique de terrorisme politique qui vise à éteindre toute voix critique de son régime ». Car d’après l’ancien journaliste, les faits de malversations financières que le régime du Président Embalo reproche à l’ancien Premier Ministre « est une plaisanterie de mauvaise goût ».
Il soupçonne l’homme fort de Bissau de vouloir assassiner M. Gomes « qui met en lumière les errements et magouilles de son régime dans la presse internationale. Et ça, M. Embalo ne le supporte pas », pointe François Mendy. Ce dernier botte en touche les accusations du Gouvernement bissau-guinéen en rappelant que « ce n’est pas la première fois que de telles enfantillages sont mises sur la table pour justifier l’arrestation, puis le meurtre du Dr Aristides Gomes ». Il se base, pour cela, sur le précédent de 2020. « A cette époque, quand les militaires bissau-guinéens ont pris d’assaut sont domiciles, il a fallu la vigueur et l’intelligence des forces de la CEDEAO pour lui tirer d’affaires », renseigne-t-il.
Risques de basculement et de chaos
Il faut rappeler que dès son accession au pouvoir, M. Embalo a limogé Dr Gomes de la fonction de Premier Ministre en violation de la Constitution, car le PAICG, parti de M. Gomes, était majoritaire au parlement. Aussitôt, il a engagé des poursuites judiciaires de malversations financières contre lui. Mais les Nations unies voyant que c’était un règlement de comptes politiques, accueillent M. Gomes dans ses locaux à Bissau pendant presque 1 an. Et M. Mendy de s’interroger : « croyez-vous que les Nations unies, avec le rôle important qu’elles jouent en Guinée Bissau, vont accepter de protéger un ancien chef du Gouvernement qui a détourné de l’argent public ? Soyons sérieux », s’agace-t-il.
Si l’on en croit le désormais conseiller Politique et Communication de l’ancien chef du gouvernement bissau-guinéen, « en 2020, quand pour la première fois, M. Embalo avait essayé la piste de la lutte contre la corruption pour s’offrir la tête de M. Gomes sur un plateau de diamant et que les Nations unies ont dit niet, le procureur général de l’époque, Fernando Gomes, a été contraint à la démission pour n’avoir pas réussi à incriminer M. Gomes dans le moindre scandale financier, malgré les moyens colossaux mobilisés par le Président Embalo à cette fin ».
Et comme une histoire qui se répète, « cette fois-ci encore, suite au fiasco de la tentative d’enlèvement de M. Aristides Gomes le 18 novembre dernier, le Président Umaro Sissoco Embalo a démis de ses fonctions, le procureur général, Bacari Biai, à qui le Gouvernement impute l’échec de son projet », croit l’ancien président de la JEC du Sénégal. Qui précise que que le nouveau procureur n’a toujours pas adressé une convocation aux avocats de l’ancien Premier ministre qui ne cesse de la réclamer.
Face à tous ces éléments, il met en garde le Président Embalo quant à sa haine viscérale contre M. Aristides Gomes au point de vouloir le tuer. Un tel meurtre entraînera un chaos sans précédent en Guinée Bissau et aura des répercussions incontrôlables dans la sous région, alerte l’ancien journaliste du quotidien national « Le Soleil ». C’est pourquoi il invite les Chefs d’État de la sous région, notamment le Président Macky Sall, pour que le Président Umaro Sissoco Embalo garantisse la liberté de mouvements de M. Gomes et veille à sa sécurité.