Les véritables raisons derrière le renvoi des membres de la CENA par Macky Sall (Décryptage)

La révocation des membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA) a déclenché une vague de spéculations et d’interrogations. Ce vendredi 3 novembre 2023, la surprise était palpable : un décret présidentiel a annoncé le remplacement de l’ensemble des membres de la CENA dont les mandats étaient échus. Pourtant, cette affaire s’avère être d’une complexité notable, bien au-delà de ce que la surface laisse entrevoir.

La CENA, établie en 2005, joue un rôle critique dans le maintien de la régularité et de l’intégrité des processus électoraux au Sénégal. Elle est composée de douze membres et est censée fonctionner de manière indépendante du pouvoir exécutif.

L’affaire a pris une tournure particulière quand la CENA a ordonné la distribution de fiches de parrainage à Ousmane Sonko, leader du parti Pastef, suite à une décision judiciaire ordonnant sa réinscription sur les listes électorales. Cependant, la Direction Générale des Élections (DGE) a refusé cette requête, malgré la directive de la CENA, arguant que Sonko n’était pas encore réinscrit officiellement sur les listes, provoquant ainsi une controverse significative.

La tension s’est intensifiée lorsque les avocats de Sonko ont interpellé le président de la CENA, Doudou Ndir, pour qu’il prenne des mesures décisives contre la DGE. La réponse de la CENA était attendue, mais avant qu’elle ne puisse réagir, le président de la République a pris la décision de révoquer l’ensemble des membres de l’institution.

Si l’on se rappel, Moustapha Touré, en poste depuis le 1er juin 2005, a soumis sa démission au Président Abdoulaye Wade le 26 novembre 2009. Touré, dont le mandat de six ans devait s’achever le 30 mai 2011, a anticipé son départ de l’institution, laissant sa présidence vacante. En réponse rapide, le décret présidentiel n°2009-1431 du 24 décembre 2009 annonce la nomination de Doudou NDIR, magistrat retraité, en tant que nouveau Président de la CENA.

Cette décision, justifiée par l’expiration des mandats de ces membres, soulève des questions : en effet, nos investigations révèlent que ces mandats étaient expirés depuis longtemps, ce qui rendait la présence de ces membres à la tête de la CENA presque illégale selon le code électoral. Doudou Ndir, en particulier, qui avait été nommé en 2009 pour achever un mandat expirant en 2011, est resté en fonction bien au-delà de la période légale.

Or, selon l’article L.6 de la loi de 2005, un membre de la CENA qui complète le mandat d’un autre ne peut être renommé pour un nouveau mandat.

Les circonstances de ce remplacement s’inscrivent dans un contexte électoral tendu. D’un côté, nous avons le président sortant Macky Sall, qui a désigné le Premier ministre Amadou BA comme son successeur potentiel, et de l’autre, l’opposant Ousmane Sonko, actuellement détenu pour diverses accusations. Les opposants voient dans le limogeage des membres de la CENA une tentative du président de nuire à la candidature de Sonko et d’assurer un avantage à son protégé.

Les individus nommés pour remplacer les membres sortants de la CENA proviennent de la société civile et de la magistrature, ce qui pourrait suggérer une tentative de maintenir une façade d’impartialité. Cependant, les analystes sont divisés : s’agit-il d’un mouvement stratégique pour garantir que la CENA reste sous l’influence du pouvoir exécutif ou d’un effort pour se conformer à la loi et assurer un processus électoral équitable ?

Il reste à voir comment cette restructuration influencera les élections futures et si les nouveaux membres pourront rétablir la confiance dans un système électoral présentement ébranlé par des accusations de manipulation politique. La situation appelle à une surveillance attentive des actions de la CENA nouvellement constituée, ainsi qu’à une évaluation continue de son indépendance et de son efficacité.

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